La Fidex, la Fédération des institutions pour détenus et ex-détenus qui regroupe une quinzaine d’associations tire la sonnette d’alarme. Elle dénonce les conditions d’accès aux prisons dans la capitale, singulièrement à Haren où les problèmes se multiplient. Ce qui impacte lourdement l’accompagnement des détenus, notamment dans leur projet de réinsertion.
Aujourd’hui, rencontrer les détenus à la prison de Haren est devenu une gageure pour les associations d’aide aux justiciables. « C’est vrai qu’on assiste à une dégradation depuis quelques mois des conditions d’accès aux détenus » explique William Sbrugnera, psychologue au Service d’action sociale bruxellois (SASB). Régulièrement, il ne peut tout simplement pas voir les détenus qu’il suit. « Comment se fait-il qu’on nous refuse l’accès à des parloirs alors que, on les voit, ils sont libres ? L’autre possibilité qui nous est donnée en théorie est de pouvoir nous rendre dans les unités de détention. Mais pour cela, il faut une espèce de téléphone mobile spécifique et interne à la prison. Et aujourd’hui, il n’y a plus assez de ces appareils. Donc on n’est pas toujours en mesure d’intervenir non plus dans ces unités ».
Des personnes qui pourraient tout à fait être en libération conditionnelle aujourd’hui restent derrière les barreaux.
Tout cela n’est évidemment pas sans conséquence. « Je vous donne un exemple : je mets quatre personnes sur ma liste pour une matinée et j’attends 2 heures et finalement je n’en vois qu’un. Bah les trois autres il faut les revoir la semaine d’après ou dans les deux semaines qui suivent. Il suffit qu’il y ait encore une fois un blocage ou un problème d’accès aux unités de détention ou au parloir. De nouveau, ça repousse les échéances et on se retrouve parfois dans des situations où je ne vois pas certains détenus pendant deux, trois, quatre mois. Donc oui, ça a un impact énorme, effectivement, sur les prises en charge et sur les détenus, sur leurs conditions. Un détenu qui veut proposer un projet de libération conditionnelle devant le tribunal d’application des peines doit avoir un logement, doit avoir une occupation, une source de revenus. Ça, ce sont les assistants sociaux qui font un travail titanesque pour essayer de mettre tout ça en ordre. Et eux aussi sont complètement empêchés ou retardés dans leur travail, ce qui fait que ça repousse les échéances. Des personnes qui pourraient tout à fait être en libération conditionnelle aujourd’hui restent encore derrière les barreaux » s’indigne William Sbrugnera.
Surpopulation carcérale
Pas étonnant dès lors que le baromètre de la Fidex qui tente d’objectiver et de signaler les dysfonctionnements dans les prisons bruxelloises, soit dans le rouge pour Haren. « Malheureusement, cette couleur ne cesse d’aller dans le mauvais sens » regrette Kris Meurant, président de la Fidex. « L’accessibilité des équipes qui viennent en aide aux personnes privées de liberté est moindre, pas suffisante voire empêchée. On comprend qu’avec le problème de surpopulation, le quotidien des directions et des agents est réellement compliqué. Par contre, on dénonce des décisions politiques de ces dernières législatures qui ont comme conséquence l’explosion du plafond de verre et 13.000 détenus pour les prisons en Belgique. C’est une catastrophe. Le problème général structurel avec cette décision politique du « tout à la prison » rajoute de la complexité au quotidien en termes de gestion du personnel. En prison, s’il y avait moitié moins de détenus, je pense que le quotidien de chacun des détenus en premier serait nettement plus vivable et les associations au quotidien pourraient mener à bien leur travail ».
Pour la Fidex, il est urgent que la Belgique réoriente sa politique pénitentiaire pour assurer aux détenus des conditions dignes et propices à la réinsertion.
Pierre Vandenbulcke pour la RTBF (06/04/2025)